Les articles précédents nous ont permis d’aborder les questions du « Pourquoi » et du « Quoi » d’une entreprise ou d’un projet, et nous étions restés à la représentation schématique ci-dessous :
Abordons maintenant le dernier maillon de la chaîne : comment ?
Le « Comment » est un pont entre le « pourquoi » du porteur du projet – autrement dit la vision qu’il a de la valeur particulière qu’il peut apporter – et sa réalisation à travers une entreprise, des produits, des services, à savoir le « quoi ».
Le « comment » correspond à la stratégie, c’est-à-dire aux supports, structures et process que l’on va définir et construire pour matérialiser le « pourquoi ».
Cela dit, qui porte la stratégie ? Est-ce le porteur du « pourquoi » du projet, ou d’autres personnes capables de relayer sa vision ?
Naturellement chaque cas est différent.
Dans le cas d’une entreprise créée par deux ou plusieurs associés, une équipe multi-compétences se met en place et les rôles se répartissent rapidement entre ceux qui portent la vision, le savoir-faire ou le métier spécifique, et ceux qui portent la stratégie et la mise en œuvre.
Lorsque le fondateur de l’entreprise est seul, on constate en revanche que tant que la structure ne dépasse pas quelques personnes, il porte bien souvent « pourquoi » et le « comment » simultanément. Or au-delà d’un certain seuil, variable selon les activités mais qui oscille entre une quinzaine et une vingtaine de personnes, mener au quotidien les deux de front devient tout simplement impossible : soit il perd son cap de vue, soit il navigue « au ressenti » …
Le fondateur, s’il veut conserver la flamme qui l’anime et qui inspire ses collaborateurs et ses clients, doit donc s’entourer d’une ou plusieurs personnes-clés pour concevoir et mettre en place une stratégie.
Ces « stratèges » sont d’abord inspirés par le projet et les valeurs portés par le dirigeant.
Ils savent se l’approprier pour les projeter vers l’extérieur, construire un plan d’actions, et imaginer les moyens pour concrétiser la vision du leader. Ce sont eux qui vont permettre à l’idée de départ de se matérialiser sur le marché.
Un stratège est également une sorte de traducteur.
En effet, souvenons-nous que le « comment », tout comme le « pourquoi », siège dans le cerveau limbique, émotionnel, et n’est donc pas relié à la zone cérébrale qui gère le langage.
Le défi du stratège est donc de réussir à traduire l’idée du fondateur pour qu’elle soit bien comprise par les équipes de terrain, puis par le marché. Il doit trouver les process, les canaux, et aussi les meilleures formes d’expression du « pourquoi » de l’entreprise : ce peut être à travers des mots, ou encore des images ou des symboles. Nous avons tous en tête des logos, symboles et signatures qui portent toute la philosophie d’une entreprise ou d’une marque, véritables signes distinctifs pour toute personne qui s’identifie à ce symbole. Citons par exemple la célèbre « pomme », ou encore les tatouages « Harley Davidson », signes d’appartenance à un système de valeurs pour les clients les plus fidèles.
Le couple ou l’équipe « Dirigeant-Stratège » est donc fondamental(e) pour le succès et la pérennité de l’entreprise, car il construit un lien de confiance avec le marché sur le long terme. A cet égard, le dirigeant doit constamment veiller à incarner ou exprimer suffisamment clairement ses valeurs et sa cause, pour que le stratège puisse continuer de les « traduire » vers l’extérieur.
Pour cette raison, un changement d’équipe suite au départ de l’un ou de l’autre, est un cap particulièrement délicat à franchir. Le meilleur miroir d’une relève réussie sera la réaction du marché, et en particulier des clients de longue date : s’ils ne se retrouvent plus dans ce que fait l’entreprise, c’est qu’elle a perdu peu à peu sa vision ou qu’elle ne sait plus comment l’exprimer.
Pour conclure, l’entreprise pourrait être comparée à une fusée :
- à sa base, à l’allumage, le « pourquoi », ancré dans le passé et qui ne varie pratiquement jamais au fil du temps, vu qu’il prend sa source dans l’expérience ou l’éducation du fondateur ;
- au 2ème étage, le « comment », voies d’expression du « pourquoi » vers l’extérieur, qui s’ajuste en permanence en fonction des circonstances présentes et prévisibles ;
- au 3ème étage, le « quoi », résultat tangible des 2 étages inférieurs : l’entreprise elle-même, ses offres et ses résultats, variables au fil du temps, du lieu ou des évolutions et transformations internes et externes.